Suite au développement de l'E85 sur le marché français, Monsieur Laurent Michel, Directeur de l'énergie et du climat, a rédigé, avec les sociétés Flex Fuel Energy Development et Biomotors, une arrêté d'homologation pour les kits éthanol, afin de modifier la case carburant sur la carte grise : Arrêté du 30 novembre 2017 concernant la procédure de transformation d'une voiture essence en véhicule dit "flexfuel", modifié le 19 février 2021.
Cependant, dans les faits, cette modification est dangereuse car elle est trompeuse. En effet, elle ne prend pas en compte la capacité maximum des injecteurs et le risque de casse moteur lié à une utilisation dans des conditions d'utilisation en forte charge (remorquage en montagne notamment). En théorie, il faudrait repasser toutes les mesures du certificat de conformité, pour chaque modèle de voiture.
Cette disposition ne reposant sur aucune réelle mesure technique (tests pollution sur un moteur pris au hasard dans une catégorie arbitraire), celle-ci est parfaitement contraire à la réglementation européenne en matière de pollution et n'a, par ailleurs, pas reçue l'aval, normalement nécessaire, des constructeurs automobiles. Dans ce sens, la modification du type de carburant sur la carte grise peut être juridiquement considérée comme illégale.
De plus, il n'existe aucun contrôle prévu dans le temps, tant sur la qualité du branchement (ex : risque d'incendie en cas de fuite de carburant suite à la pose d'un capteur éthanol) que la réalité de l'installation (boîtier réellement présent ou non-branché) ainsi que sur la durabilité de celle-ci. De plus, en pratique, l'installateur se retrouve seul à assumer les problèmes éventuels liés aux kits qu'il monte comme cela était déjà le cas avant ce texte.
In fine, à part coûter très cher à beaucoup de collectivités (carte grise gratuite et aides financières dans certaines régions), cet arrêté n'apporte, en pratique, aucune valeur ajoutée pour les automobilistes à part des bénéfices énormes aux deux fabricants à l'initiative de la rédaction du texte.
Ces pseudo-homologations sont découpées, de manière totalement arbitraire, en groupement de normes Euro et de tranches fiscales. De plus, seul un site appartenant au syndicat national des producteurs d'alcool agricole (SNPAA) recense l'évolution des homologations. Cela confirme que cette mesure n'est en fait qu'un droit d'entrée destiné à limiter la concurrence sur le marché.
Homologations à la date du 5 novembre 2024 (source SNPAA) | |||
Normes Euro Années |
Puissance Fiscale |
Injection indirecte | Injection directe |
Euro 1 et 2 1993 -2000 |
Impossible | ||
Euro 3 et 4 2001 – 2010 |
< 8 cv |
Biomotors FFED* |
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De 8 à 14 cv |
Biomotors FFED* Eflexfuel/Borel |
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+ de 14 cv |
Biomotors FFED* |
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Euro 5 et 6 2011 – 2024 |
< 8 cv |
Biomotors FFED* Eflexfuel/Borel |
Biomotors FFED* Eflexfuel/Borel |
De 8 à 14 cv |
Biomotors FFED* |
Biomotors FFED* Eflexfuel/Borel |
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+ de 14 cv |
Biomotors Eflexfuel/Borel |
Biomotors FFED* |
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* FFED ou Flexfuel Company (Speedy, Norauto, Autobacs, Point S...) |
Ce texte inadapté a, malheureusement, pour conséquences de tromper les consommateurs sur la viabilité de l'installation d'un kit éthanol sur leurs moteurs. Aussi, les litiges ne cessent de s'accumuler avec le temps et beaucoup d'installateurs arrêtent cette activité laissant, en cas de problème, de nombreux clients "sur le carreau".
D'une part, en cas de panne, la majorité des garagistes refuseront d'intervenir sur un véhicule équipé d'un boîtier de conversion homologué ou non. Par ailleurs les constructeurs automobiles n'ayant pas donné leur aval, la garantie commerciale est supprimée (y compris pour les campagnes de rappel ; exemple récent chez PSA) et les concessions pourront refuser aussi la reprise en occasion d'une voiture avec un kit et une carte grise modifiée.
D'autre part, les tests d'homologation n'étant réalisés que sur une seule motorisation, cela implique des possibilités de mauvais fonctionnements sur les autres voitures du même groupe fiscal, entraînant souvent des problèmes de prise en charge par la garantie. Force est de constater que dans ces cas, il est très compliqué de faire désinstaller le boîtier et de se faire rembourser et l'expérience se termine souvent par une bataille d'experts. Aussi, il est préférable de passer par l'assistance juridique de votre assurance auto et/ou de contacter des organismes de consommateurs. D'ailleurs, les fabricants de boîtiers ne se mouillent pas trop en limitant leur garantie aux voitures de moins de 5 ans ou bien 150 000 km.
En conclusion, l'annulation de cet arrêté permettrait de revenir à une situation plus simple et plus concurrentielle et éviterait ainsi les nombreux litiges qui en découlent. Voir, par exemple, les commentaires sur Trustpilot.
Sur un plan technique, grâce à leur sonde lambda et leur calculateur, les voitures sont, à la sortie d'usine, capables de gérer un pourcentage variable d'éthanol dans le réservoir. Depuis 2008, les véhicules européens doivent d'ailleurs accepter l'E40 (carburant sensé exister depuis cette date au sein de l'Union). Ils sont donc flexfuel jusqu'à 40% d'éthanol ; voire plus sur certaines motorisations suivant la tolérance du programme d'origine du calculateur liée notamment à la taille des injecteurs.
Au delà de ce seuil, le programme du calculateur fera afficher le voyant pollution, appelé aussi moteur, avec le message : mélange trop pauvre.
Il n'y a aucune différence technique entre un kit éthanol homologué ou non, les deux s'intercalent entre le calculateur et les injecteurs. Ils se contentent d'allonger le temps d'ouverture des injecteurs. L'objectif est de faire croire au calculateur qu'il injecte moins de carburant et éviter ainsi l'affichage du voyant (d'où l'écart de consommation avec l'ordinateur de bord).
Légalement, il est donc abusif de parler de modification notable car les caractéristiques du véhicule ne sont pas modifiées, le boîtier agissant comme un simple leurre, vis-à-vis du programme d'origine du calculateur. Dans ce sens, la modification de la carte grise apparait donc comme totalement absurde (c'est sans doute pourquoi, la France est le seul pays au monde à l'avoir prévue). D'ailleurs le texte ne parle pas d'éventuelle sanction en cas de pose d'un kit en dehors du cadre prévu.
Lors du passage au contrôle technique, un refus est possible uniquement sur la base d'un contrôle visuel, donc arbitraire. Ce refus demandé par l'UTAC, société privée qui par ailleurs encaisse l'argent pour les pseudo-tests d'homologation précités, est juridiquement contestable. Toutefois, dans les faits, cela implique que le contrôleur puisse le voir et, dans cette éventualité, cela entraînerait simplement une contre-visite avec le kit démonté.
Au niveau de l'assurance, en cas de sinistre et devant un tribunal, celle-ci devra être en mesure de démontrer qu'il existe un lien de cause à effet avec la pose du kit. Par ailleurs certaines assurances (ex : Direct Assurance, Matmut, Thelem, Mutuelle de Poitiers) n'exigent pas la modification systématique de la carte grise en case de pose d'un kit E85.
NB : la pose d'un kit sans modification de la carte grise offre la possibilité d'une remise à l'état d'origine normalement très facile. Cela permet ainsi d'équiper les véhicules en location longue durée, mais aussi après démontage, de pouvoir faire reprendre son véhicule d'occasion en concession ou d'éviter certains problèmes liés à la garantie commerciale.